Le Visiteur Royal, et autres nouvelles


Le Visiteur Royal, et autres nouvelles
Titre original: "Den Kongelige Gaest"
Auteur: Henrik Pontoppidan
Editeur: Editions Rombaldi
Illustrations de: Leonor Fini
Traduit du Danois par: Marguerite Gay et Ulla Morvan
Nombre de pages: 331


Résumé

Un étranger, "le visiteur royal", arrive. Il bouleverse et libère une vie volontairement et faussement prisonnière d'elle-même.
 
Mon Avis

Les nouvelles de Henrik Pontoppidan sont très intéressantes. J'avais cet ouvrage des Editions Rombaldi dans ma bibliothèque depuis près d'un an et je regrette de ne pas l'avoir lu plus tôt. Il nous présente quatre nouvelles aux sujets plus ou moins variés avec toujours, pour toile de fond, la vie campagnarde danoise.
Dans "Le Visiteur Royal" nous est racontée la vie heureuse d'un couple: Arnold et Emmy, mariés depuis six ans. Le soir du Lundi Gras, un visiteur se présente de manière impromptue chez eux, leur annonçant qu'il est le "Prince Carnaval". S'imposant d'une étrange et malséante façon à leur repas, sa présence et sa spontanéité vont autant choquer le couple que les séduire, les faisant voguer d'un sentiment à un autre. Après son départ, aussi furtif que fut son entrée, le comportement d'Emmy va se modifier, d'une certaine manière se libérer. Elle qui semblait pourtant pleinement épanouie en femme de foyer accomplie va se retrouver à avoir de nouvelles préoccupations coquettes et peut-être même sensuelles. La jalousie de son mari à l'égard de l'inconnu évaporé qui a apporté tant de pensées secrètes à sa femme va alors s'éveiller.
Avec "L'Ours", nous suivons le pasteur Müller, un homme qui horrifie par con comportement et son physiques rustres les habitants de son village. Cet homme, surnommé "l'ours" à cause de sa taille gigantesque et de son goût pour s'habiller de peaux d'animaux, nous apprenons à le connaître de sa naissance, où il a tout de suite été catalogué "d'anormal" avant d'être rejeté, à ses débuts ecclésiastiques au Groenland où il va être accepté et respecté par la communauté et où il va s'attarder quasiment toute sa vie, jusqu'à son retour bien des années plus tard dans son Jutland natal qui n'aura pas l'effet escompté.
"Le Bourgmestre Hoeck et sa Femme" traite de la jalousie possessive au sein d'un couple. Anne-Marie Hoeck, épouse du bourgmestre, est sur son lit de mort. La soeur de celle-ci, venue la soutenir pendant sa maladie, va comprendre au cours de leurs discussions, par les silences et la gène d'Anne-Marie, que celle-ci cache quelques secrets que son mari semble, lui, avoir compris. Nous suivons aussi les pensées de ce dernier et remarquons qu'il est persuadé que sa femme a l'habitude de séduire les hommes.
Enfin, "Jeune Amour" évoque à la première personne le souvenir du premier amour de Jens Thyssen, un instituteur tombé sous le charme de la fille d'un aubergiste. Dévasté d'apprendre qu'elle est enceinte, alors qu'elle semblait attachée à lui, il va reporter son amour pour elle sur sa fille à naître, Martha, mais d'une manière très paternelle cette fois-ci, sans que le héros ne s'explique cela.

Avec une plume à la fois riche et simple, Pontoppidan décrit avec justesse les états d'âmes de l'être humain. J'ai pris plaisir à lire chacune de ces quatre nouvelles, mais "L'Ours", où il est question de la différence physique, et "Le Bourgmestre Hoeck et sa Femme" m'ont particulièrement plu. Le premier de ces deux récits nous intéresse rapidement à la perception que l'on se fait des gens sans avoir connaissance de leur vécu. Juger d'après les apparences est l'un des fléaux de ce monde, il est d'autant plus perceptible dans ces campagnes où tout le monde se connaît, et l'auteur met en scène son personnage avec intelligence. C'est finalement à l'existence entière de Müller qu'on s'attache sans y prendre garde.
Le second récit m'a vraiment passionnée ! Si l'on suit les échanges entre les protagonistes et les certitudes de certains d'entre eux, nous ne sommes jamais certains de la réalité des allégations évoquées. J'ai trouvé le mari antipathique et terriblement orgueilleux, mais j'en suis presque venue à le plaindre, rongé comme il l'est par ses doutes. Finalement, le tout reste mystérieux et c'est ce qui m'a séduite. Il y a également un échange entre le bourgmestre et sa belle-soeur concernant le mariage, la place de la femme dans cet établissement et ses devoirs, et l'amour en général qui m'a totalement captivée. C'est pertinent et un tel discours est plutôt avant-gardiste pour l'époque où il a été écrit.

Il suffit de peu à l'auteur pour nous embarquer dans ses histoires qui sont idéalement bien dosées: elles ne comportent jamais trop ou pas assez de texte (alors que j'ai justement cette sensation de manque lorsque je lis des nouvelles, je suis agréablement satisfaite de m'apercevoir que cette frustration n'est finalement pas un sentiment obligatoire à ce genre de textes) ! Prix Nobel en 1917 en compagnie de Karl Gjellerup, cette attribution est passée un peu inaperçue tandis que la fin de la première Guerre Mondiale se profilait et que les évènements à cet effort se succédaient à vive allure. D'ailleurs, Gjellerup ne fut pas choisi seul par pure question politique vis-à-vis d'un certain penchant pour l'art Allemand. Néanmoins, cela n'enlève en rien la gloire d'Henrik Pontoppidan, et ses écrits de qualité resteront dans ma mémoire !



Citations:

* Quand les gens qui sont pris dans le tourbillon d'une grande ville pensent à la campagne - non sans une certaine nostalgie - ils se plaisent à imaginer une existence où Dieu dispense le temps, où chaque minute est détaillée avec la précision solennelle d'une horloge de Broholm mesurant l'éternité sous le toit d'une vieille personne.
En réalité, cependant, le temps n'est nulle part plus rapide ni la vie plus courte qu'à la campagne. Si les jours isolés peuvent y paraître longs dans leur monotonie, les semaines se pressent, les années volent. Et un beau matin la vie a fui, comme le songe d'une nuit d'été ou d'une nuit d'hiver. (Le Visiteur Royal)

* L'amour est une possession. Personne n'est renseigné sur son origine; personne ne connaît ses voies; personne n'a de remèdes contre ses maux. Venant et disparaissant selon des lois obscures, incompréhensibles, il nous remplit d'une sorte de terreur mystérieuse. Il est à la fois le plaisir et la malédiction de notre vie, notre délice et notre éternelle souffrance, notre paradis et notre enfer. (Jeune Amour)


(photo de l'auteur qui, je trouve, avait beaucoup de charme)



Suzy B. 

Commentaires

  1. Je n'ai jamais lu de prix nobel et les titres des livres qui l'ont remportés ne me poussent pas à essayer^^. Un jour peut-être.

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    1. Je ne suis pas du tout attachée aux prix littéraires, mais je n'ai vraiment pas regretté celui-là ! Et puis, un titre ne fait pas forcément un livre... tu pourrais être surpris du contenu ! ;)

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