[Des Pages À Lire] "No et Moi", Delphine de Vigan


No et Moi
Auteure: Delphine de Vigan
Édition: Le Livre de Poche
Nombre de pages: 250

* Quatrième de Couverture *

Elle avait l'air si jeune. En même temps il m'avait semblé qu'elle connaissait vraiment la vie, ou plutôt qu'elle connaissait de la vie quelque chose qui faisait peur.
D.V.

Adolescente surdouée, Lou Bertignac rêve d'amour, observe les gens, collectionne les mots, multiplie les expériences domestiques et les théories fantaisistes.
Jusqu'au jour où elle rencontre No, une jeune fille à peine plus âgée qu'elle. No, ses vêtements sales, son visage fatigué, No dont la solitude et l'errance questionnent le monde. Pour la sauver, Lou se lance alors dans une expérience de grande envergure menée contre le destin.
Mais nul n'est à l'abri...
  
* Mon Avis *
! Coup de cœur !

Quelle histoire forte et touchante ! C'est un coup de cœur pour moi.

À treize ans, Lou est déjà en seconde. Cependant, cette jeune fille très avancée pour son âge a du mal à sociabiliser, même si le beau Lucas tente de l'aider à s'ouvrir aux autres. Un exposé à rendre est l'occasion pour elle de se lier à No, une jeune femme qui vit dans la rue. Leur relation va vite prendre une place importante dans la vie de chacune et leur existence va en être bouleversée.

Je découvre (enfin) la plume captivante de Delphine de Vigan, et quelle claque ! Les pages ont défilé alors que je n'avais pas envie de voir la fin arriver. Poignant, ce roman d'apprentissage m'a saisi. C'est une histoire d'amitié, d'amour, d'initiation à la vie qui nous est présentée, deux héroïnes aux destins particuliers, la collision entre deux étoiles, la rencontre entre deux existences contrariées qui vont retrouver force et espoir au contact l'une de l'autre. Tendresse, nostalgie, malheurs et petits bonheurs quotidiens font de ce récit quelque chose de profondément authentique; cette histoire nous donne envie de vivre, de savourer la vie, de profiter de chaque instant, même si derrière cela persiste la mélancolie due à la fatalité de notre monde, de notre société. Parce que No n'a plus rien, parce qu'elle manque de la sécurité nécessaire à une vie stable, un toit sur la tête, une famille, la possibilité de se nourrir convenablement, on se sent privilégié. Et on se sent coupable d'avoir ces privilèges. Ainsi va le monde, cette compréhension est difficile à accepter, cela attise colère et regret. Ce livre nous fait réagir de mille et unes manières, c'est ce qui fait sa force ! Il reflète la vie, et nous savons bien qu'à chaque instant celle-ci suit son cours, qu'il faut savoir tourner la page, continuer son chemin, même si cette idée est difficile à intégrer dans certaines circonstances.

Oui, c'est décidément avec beaucoup d'émotion que j'ai découvert cette histoire au sujet malheureusement intemporel. Les sentiments complexes auxquels cette lecture a donné naissance m'étreignent encore à l'heure où j'écris ces lignes; je suis heureuse d'avoir partagé quelques instants de ma vie avec ces protagonistes.
 
* Parlons Couverture *

Adapté au cinéma en 2010 par Zabou Breitman, le roman arbore en couverture de cette édition de poche l'affiche du film et les deux héroïnes, Lou et No, incarnées respectivement par Nina Rodriguez et Julie-Marie Parmentier. Traduit dans plusieurs pays, il existe de nombreuses autres couvertures, dont voici un aperçu:

 
Citations:

* Le fait d'exprimer l'absence de quantité par un nombre n'est pas une évidence en soi. [...] L'absence d'un objet ou d'un sujet s'exprime mieux par la phrase « il n'y en a pas » (ou « plus »). Les nombres demeurent une abstraction et le zéro ne dit ni l'absence ni le chagrin.

* Je vois souvent ce qui se passe dans la tête des gens, c'est comme un jeu de pistes, un fil noir qu'il suffit de faire glisser entre ses doigts, fragile, un fil qui conduit à la vérité du Monde, celle qui ne sera jamais révélée.

* Parler je n'aime pas trop ça, j'ai toujours l'impression que les mots m'échappent, qu'ils se dérobent, s'éparpillent, ce n'est pas une question de vocabulaire ni de définition, parce que des mots j'en connais pas mal, mais au moment de les dire ils se troublent, se dispersent, c'est pourquoi j'évite les récits et les discours, je me contente de répondre aux questions que l'on me pose, je garde pour moi l'excédent, l'abondance, ces mots que je multiplie en silence pour approcher la vérité.

* je peux dire et tout sans qu'elle me le fasse remarquer, parce qu'elle comprend ce que ça veut dire, j'en suis sûre, parce qu'elle sait que et tout c'est pour toutes les choses qu'on pourrait ajouter mais qu'on passe sous silence, par paresse, par manque de temps, ou bien parce que ça ne se dit pas.

* Je sais reconnaître ça, entre autre choses, le son des voix quand le mensonge est à l'intérieur, et les mots qui disent le contraire des sentiments.

* je ne savais pas que c'était si fragile, je ne savais pas que les choses peuvent s'arrêter, comme ça, et ne plus jamais revenir.

* Maintenant je sais une bonne fois pour toutes qu'on ne chasse pas les images, et encore moins les brèches invisibles qui se creusent au fond des ventres, on ne chasse pas les résonances ni les souvenirs qui se réveillent quand la nuit tombe ou au petit matin, on ne chasse pas l’écho des cris et encore moins celui du silence.

* Et notre silence est chargé de toute l’impuissance du monde, notre silence est comme un retour à l'origine des choses, à leur vérité.

* C'est un cadeau qui n'a pas de prix, un cadeau qui pèse lourd dont j'ai peur de ne pas être digne, un cadeau qui modifie les couleurs du monde, un cadeau qui remet en question toutes les théories.

* ... Il y a cette ville invisible, au cœur même de la ville. Cette femme qui dort chaque nuit au même endroit, avec son duvet et ses sacs. À même le trottoir. Ces hommes sous les ponts, dans les gares, ces gens allongés sur des cartons ou recroquevillés sur un banc. Un jour, on commence à les voir. Dans la rue, dans le métro. Pas seulement ceux qui font la manche. Ceux qui se cachent. On repère leur démarche, leur veste déformée, leur pull troué. Un jour on s'attache à une silhouette, à une personne, on pose des questions, on essaie de trouver des raisons, des explications. Et puis on compte. Les autres, des milliers. Comme le symptôme de notre monde malade. Les choses sont ce qu'elles sont. Mais moi je crois qu'il faut garder les yeux grands ouverts. Pour commencer.

* et si c'était ça le bonheur, pas même un rêve, pas même une promesse, juste l'instant.

* On est capable d'envoyer des avions supersoniques et des fusées dans l'espace, d'identifier un criminel à partir d'un cheveu ou d'une minuscule particule de peau, de créer une tomate qui reste trois semaines au réfrigérateur sans prendre une ride, de faire tenir dans une puce microscopique des milliards d'informations. On est capable de laisser mourir des gens dans la rue.

* Je pense à l'égalité, à la fraternité, à tous ces trucs qu'on apprend à l'école et qui n'existent pas. On ne devrait pas faire croire aux gens qu'ils peuvent être égaux ni ici ni ailleurs.

* L'insomnie est la face sombre de l'imagination.

* Le problème avec les hypothèses, c'est qu'elles se multiplient à la vitesse du son, si on se laisse aller.

Suzy Bess.
 
  

Commentaires

  1. Il a changé Louis Bertignac depuis la fin de Téléphone quand même^^.

    Plus sérieusement, j'essaierais de le lire un jour, et de voir son adaptation. Il m'a toujours attiré !

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    1. Le rockeur (je l'adore) est justement mentionné en passant. ^^
      Je pense que tu peux t'y intéresser sans appréhension. Quant à l'adaptation, je ne sais pas ce qu'elle donne.

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