Mary Shelley: Au-Delà de Frankenstein


Mary Shelley
Au-Delà de Frankenstein
Auteure: Cathy Bernheim
Editeur: Editions du Félin
Nombre de pages: 278

Je remercie Babelio et les éditions du Félin pour cette lecture,
lue dans le cadre d'une Masse Critique.  

* Quatrième de Couverture *

Pendant deux siècles, on a imprimé, traduit, lu, adapté "Frankenstein" sans se préoccuper de l'existence de son auteure. Le nom de celle qui l'avait écrit à 16 ans, publié à 18 était pourtant là, sur la couverture, à portée de regard. Mais Mary Shelley semblait comme invisible. Bien que femme de lettres reconnue, elle est longtemps restée pour la postérité l'obscure épouse du grand poète romantique Percy B. Shelley. A pied, en malle-poste, en charrette, à dos d'âne ou de mule, par les fleuves ou par mer, elle a parcouru l'Europe avec lui en compagnie de leurs amis, femmes et hommes alliés dans la même recherche de beauté. Ce n'est pourtant pas son seul exploit. Dans son oeuvre novatrice, elle s'est dressée de toutes les forces de son esprit contre les idées mortifères d'une Angleterre en plein essor industriel qui cherchait à normaliser ses citoyens (et plus encore, ses citoyennes) comme des produits à perfectionner. Avec son intrépide sagesse, elle a entrevu les dangers d'une société s'adonnant sans repères ni limites à l'ivresse du progrès scientifique. Et elle a imaginé le destin du monstre que cette société allait produire. Un être anonyme, meurtrier, sentimental et raisonneur, poursuivi par la haine du savant fou qui l'avait mis au monde. Une histoire familière ? En effet, ce couple maudit hante toujours les cauchemars de nos contemporains. Du fond de ses temps éloignés, Mary Shelley nous lance un message qu'il est urgent de décrypter encore et encore.
 
* Mon Avis *

Entre biographie et discours clairvoyant sur les progrès scientifiques de ces derniers siècles, Cathy Bernheim nous livre un texte excellent et captivant.

Née en 1797, Mary Wollstonecraft Godwin sera surtout connue comme la femme du célèbre poète Percy Bysshe Shelley et en tant que créatrice de "Frankenstein, ou le Promethée Moderne" alors qu'elle compte d'autres oeuvres à son actif. Orpheline de mère quelques jours seulement après sa naissance, la jeune fille développa rapidement une intelligence remarquable qu'elle nourrit de nombreuses lectures. Alors que son père, William Godwin, refusa de donner son consentement à son union avec Percy B. Shelley (il était alors déjà marié !), elle s'enfuit avec ce dernier et apprit beaucoup des nombreux voyages qu'ils firent et des expériences, parfois douloureuses, que ces pérégrinations apportèrent. Un soir, en Suisse, alors que le couple est accompagné de Lord Byron et de John Polidori, le défi est lancé: "Nous allons écrire une histoire de fantômes"; chacun s'y met de son côté mais Mary n'est pas inspirée. Finalement ce n'est pas un fantôme qui s'imposa à elle, mais une créature effroyable, et par là même la vision effrayante de ce que le progrès pourrait apporter.

Cette oeuvre aux allures de pamphlet est vraiment fascinante, et d'une qualité ! La biographe revient en détails sur une grande partie de la vie de Mary Shelley (malheureusement pas la totalité, c'est là le seul reproche que je puisse lui faire) et surtout sur ses relations avec ses proches (parents, amant puis mari, amis...) et sa conscience perspicace du monde qui l'entoure. Et quand Cathy Bernheim semble s'écarter du sujet, ce n'est que pour mieux revenir démontrer l'intelligence de Mary, qui avait décelé la dangerosité d'un modernisme croissant et des extrêmes que les êtres humains ne pourraient manquer de vouloir exploiter. Certes, en élargissant son point de vue et en revenant à plusieurs reprises sur les avancées scientifiques (mais pas que) récentes, la biographe s'égare parfois, mais ses propos sont si intéressants, pertinents et sa plume tellement incisive, sincère et envoûtante, qu'on la pardonne et qu'on se laisse porter par son discours.

J'ai passé un très bon moment avec cette lecture intelligente qui se découvre rapidement; ça fait du bien de temps en temps de lire quelque chose de si appuyé !
 
* Parlons Couverture *

Qu'elle est belle cette couverture ! Les couleurs sont tout à fait celles que j'aime. L'illustration est signée Diglee, une artiste que j'apprécie énormément et que je suis depuis de nombreuses années - ce qui me plaît d'autant plus -, elle est basée sur le possible portrait (l'information n'étant pas certaine) de la romancière qu'en fit Samuel John Stump (l'original, ci-dessous).




Citations:

* Les livres lui parlent d'un temps qui n'est plus, avec des voix qui depuis longtemps se sont tues. Elle apprend d'eux que, pour s'enraciner au monde, paradoxalement, il faut semer des mots dans l'esprit de ses contemporains afin que leur écho parvienne aux temps futurs.

* Tout dire et pourtant, ne rien dire de l'essentiel: tel est le paradoxe de l'écriture.

* Toute personne ayant écrit un jour avec l'intention d'être lue vous le dira: les mots écrits ne disent jamais vraiment ce qu'on veut leur faire dire. Jamais.

* Lire, [...] c'est écouter en silence le langage d'un autre. C'est communiquer d'esprit à esprit, sans craindre les divers brouillages que véhiculent le réel, la présence, la voix de l'autre ou l'histoire que l'on peut avoir formé avec lui. [...] C'est aussi un acte qui fige le temps et force le lecteur à s'abstraire du sien propre.



Suzy Bess.

  

Commentaires

  1. Il est vrai que, sur Frankenstein en tout cas (c'est la seule de ses oeuvres que j'ai lu), elle avait une sacrée avance sur les problématiques auxquelles on commence à penser maintenant, notamment en ce qui concerne l'éthique scientifique.

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    1. Il est très intéressant que la biographe revienne dessus. ;)

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