Réparer les Vivants


Réparer les Vivants
Auteure: Maylis de Kerangal
Édition: France Loisirs
Nombre de pages: 281

* Quatrième de Couverture *

Dans l'insouciance de leurs dix-neuf ans, trois lycéens rentrent au Havre un matin de février après une session de surf au pied des falaises du pays de Caux. Mais quand leur van percute un poteau, Simon, qui roule sans ceinture de sécurité, vient percuter de plein fouet le pare-brise. Il sombre dans un coma dont il ne se réveillera pas. Son cœur, lui, bat encore. Il est attendu à Paris, où il doit sauver la vie de Claire, traductrice en attente de greffe. Du C.H.U. du Havre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, l'aventure d'un cœur et des vies qui palpitent autour de lui.
 
* Mon Avis *

Renversant, ce roman m'a subjuguée.

Simon Limbres et ses deux amis, Johan et Chris, jeunes surfeurs du Havre de retour d'une session, ont un terrible accident de la route. Si les deux derniers s'en sortent avec de vilaines fractures, Simon, lui, se trouve en état de mort cérébrale. Les médecins doivent alors présenter à ses parents, Marianne et Sean, la possibilité d'un don d'organes. Aux quatre coins de la France, la réponse à cette proposition peut sauver des vies.

Avec un titre magnifique tiré d'une citation du "Platonov" d'Anton Tchekhov - "Enterrer les morts et réparer les vivants !" -, Maylis de Kerangal impose dès les premières lignes son style percutant fait de longues phrases (la première du livre s'étale sur deux pages), détaillant les impressions de chaque moment de la journée qui nous est relatée, afin d'évoquer avec justesse le sujet du don d'organe - la perte et le deuil que cela représente d'un côté, la joie partagée entre honte et doute ressentie de l'autre. Ainsi, le choc, la douleur incompréhensible des parents face à la nouvelle qui fait chavirer leur vie et la perception qu'ils en avaient jusque là, tout cela est retranscrit avec une telle authenticité que lire ces pages en devient oppressant; mais on ne peut, dans le même temps, qu'être fasciné par ce talent d'écrivaine. Traiter d'une situation exceptionnelle avec la mécanique de l'habitude, montrer que des évènements tragiques font partie du quotidien de certaines personnes - les médecins -, voilà aussi ce que nous propose l'auteure. En mettant en place l'intrigue sur un délai d'une journée, c'est un sentiment d'urgence qui s"installe; et Maylis de Kerangal use, tout en contraste, d'un ton à la fois impersonnel mais aussi terriblement intime, détaché et totalement concerné. Comme je le disais plus haut, le résultat est renversant, et nos sentiments s'emmêlent à la lecture de ce roman bouleversant.
 
* Parlons Couverture *

"The Place in Between", photographie de Narelle Autio, est magnifique et représentative: cet endroit entre deux, entre le fond et la surface, entre se noyer et respirer, entre la vie et la mort; cet air au dessus du corps qui rappelle qu'un grand plongeon a précédé. J'ai peu de choses à en dire, l'image et son nom parlent pour eux.


 Citations:

* Il faudrait un jour qu'elle sache dans quel sens s'écoule le temps, s'il est linéaire ou trace les cerceaux rapides d'un hula-hoop, s'il forme des boucles, s'enroule comme la nervure d'une coquille, s'il peut prendre la forme de ce tube qui replie la vague, aspire la mer et l'univers entier dans son revers sombre, oui il faudrait qu'elle comprenne de quoi est fait le temps qui passe.

* [...] ils se regardent une fraction de seconde, puis un pas et ils s'étreignent, une étreinte d'une force dingue, comme s'ils s'écrasaient l'un dans l'autre, têtes compressées à se fendre le crâne, épaules concassées sur la masse des thorax, bras douloureux à force de serrer, ils s'amalgament dans les écharpes, les vestes et les manteaux, le genre d'étreinte que l'on se donne pour faire rocher contre le cyclone, pour faire pierre avant de sauter dans le vide, un truc de fin du monde en tout cas quand, dans le même temps, dans le même temps exactement, c'est aussi un geste qui les reconnecte l'un à l'autre - leurs lèvres se touchent -, souligne et abolit leur distance, et quand ils se désincarcèrent, quand ils se relâchent enfin, ils sont comme des naufragés.

* Pour l'heure, ce qu'ils ressentent ne parvient pas à trouver de traduction possible mais les foudroie dans un langage qui précède le langage, un langage impartageable, d'avant les mots et d'avant la grammaire, qui est peut-être l'autre nom de la douleur, ils ne peuvent s'y soustraire, ils ne peuvent lui substituer aucune description, ils ne peuvent en reconstruire aucune image, ils sont à la fois coupés d'eux-mêmes et coupés du monde qui les entoure.


Suzy Bess.

 
  

Commentaires

  1. Aprés avoir vu le film, je me suis dis qu'il fallait que je lise le roman. Tu me le confirmes^^

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