[Des pages à lire] "Anna Karénine", Léon Tolstoï


Anna Karénine
Titre original: "Анна Каренина"
Auteur: Léon Tolstoï
Édition: Bordas (1948)
Traduit par: Rostislav Hofmann
Présenté par: Jean Cocteau
Nombre de pages: 971

* Résumé *

En gare de Moscou, deux jeunes gens s'aiment au premier regard. Femme d'un haut fonctionnaire, ornement de la société tsariste de son temps, Anna Karénine éblouit le frivole comte Vronski par sa grâce, son élégance et sa gaieté. À ce bonheur, à cette passion réciproque porteuse de scandale et de destruction, ils ne résistent pas longtemps.
En écho à cette tragédie programmée, on entend toute l'âme d'un peuple et les premiers craquements de l'Empire russe en train de se lézarder.
  
* Mon Avis *

Alors que j'avais adoré "Guerre et Paix" du même auteur, j'ai été moins fascinée par ce roman.

En Russie, tandis que la modernité commence à envahir les campagnes et les esprits, les mœurs restent les mêmes, et Anna Karénine va en faire les frais. Mariée à un membre important du ministère, elle fait un jour la rencontre du séduisant comte Vronski, qui tombe totalement sous son charme. Elle se laisse alors entraîner dans une relation extra-conjugale qui va bientôt éclater au jour et faire d'elle, aux yeux du monde, une femme perdue. En parallèle, nous découvrons les histoires contrariées d'autres personnages, dont celle de Lévine, propriétaire terrien qui se cherche, fou d'amour pour la jeune Kitty Stcherbatski, autrefois éprise du comte Vronski.

On le sait, Tolstoï n'est jamais plus grand que lorsqu'il se plonge dans la critique de la société de son époque, de l'évolution de son pays à celle de ses habitants. Ici, il nous propose une fresque dense, sans doute un peu trop fournie pour être vraiment agréable à lire dans le cadre d'une lecture de pur loisir. Car au cours du récit, nous ne découvrons pas seulement le destin d'un grand nombre de personnages, mais également la transformation d'une nation par sa religion, sa politique, son agriculture - Lévine, souhaitant écrire un traité d'agronomie, impose son approche de l'agriculture à ceux qui l'entourent; ce sujet revient énormément. Les réflexions découlant de la vision d'une métamorphose dans les esprits de divers participants sont abondantes; la sensation de lourdeur des chapitres concernés et les répétitions s'opérant dans les pensées de certains personnages noient les différentes intrigues dont nous aurions envie de profiter davantage.
Si Anna est bien l'un des personnages principaux, elle n'est pas seule à être mise en avant (d'ailleurs, le roman ne débute pas avec elle, ni ne se termine sur elle); ce roman aurait donc tout à fait pu porter un autre titre. Reste que cette héroïne est bel et bien l'une des plus fascinantes qui existe dans la littérature: l'histoire dramatique de cette jeune femme pleine de vie pose la question de la condition des femmes à l'époque (avec un écho toujours actuel). Grâce aux évènements du récit (à cause d'eux ?), l'auteur nous démontre l'absurdité d'un système de moeurs dépassé et injuste (se suivent dans le roman le récit d'un homme infidèle, pas plus inquiété que ça par une incartade qui ne paraît anormale qu'à sa femme, tandis qu'il continue à être reçu dans le monde et respecté par ses pairs... et le récit d'Anna, qui accepte la passion d'un autre homme que son mari, avoue en toute sincérité à ce dernier son méfait, et se retrouve mise au ban de la société, reniée par tous); Tolstoï se montre clairvoyant dans ses jugements et ses observations: impossible de ne pas être captivé par ce qu'il a à nous dire ! Je regrette seulement le surdéveloppement de sujets au détriment d'autres - ainsi, le droit à l'éducation des jeunes filles, sa facilité d'accès, est mentionné en passant, l'embrigadement dans une religion et la domination de certains penseurs sur d'autres, à peine survolé...

À qui voudra s'intéresser de manière approfondie à la Russie, dans l'étude de la politique de la fin du XIXe siècle, de son agriculture - sans doute l'un des sujets les plus fréquents au cours du récit, raison pour laquelle je le mentionne également beaucoup -, en passant par sa religion, etc. cet ouvrage sera un excellent apport d'informations intéressantes ! Quant à moi, je suis heureuse d'avoir enfin découvert ce classique, mais après mon coup de cœur pour "Guerre et Paix", je dois avouer que cette lecture a été en dessous de mes attentes. On préfèrera dans cet ouvrage, les chapitres où la tragédie règne, la plume de l'auteur y est de toute beauté !


Petit mot sur l'adaptation présentée:
En plus d'une jolie présentation de Jean Cocteau, cette édition revient, en fin d'ouvrage, sur l'histoire de l'adaptation du roman, des scènes de théâtre au cinéma, avec un extrait du découpage du film de Julien Duvivier (1948) et des photographies de la même œuvre disséminées tout le long du livre.



* Parlons Couverture *

La jaquette de cette édition de plus de 70 ans est très abimée, elle n'en reste pas moins belle ! Cette photographie de Vivien Leigh dans le rôle du personnage-titre est sublime; l'actrice semble incarner cette femme tourmentée à la perfection - je n'ai pas encore vu cette adaptation de 1948, mais j'espère en avoir un jour l'occasion !


Citations:

* Les familles heureuses se ressemblent; chaque famille malheureuse l'est à sa manière.

* Toute la diversité, le charme, la beauté de la vie résident dans une succession d'ombres et de lumières !

* Il y a autant d'amours que de cœurs.

* Bien souvent, je me dis que les hommes ne savent pas distinguer ce qui est noble de ce qui ne l'est pas, quoiqu'ils en parlent sans cesse.

* Mon bonheur vient peut-être de ce que je me déclare satisfait de ce que je possède, sans regretter ce qui me manque.

* Tout homme, familiarisé avec le réseau complexe des circonstances de la vie, est porté à croire que cette complexité est une particularité fortuite de sa propre existence. Il refuse d'admettre qu'il en va de même pour tous ses semblables.

* Il est impossible d'imaginer la vie sans souffrances: nous sommes tous nés pour souffrir... Nous ne l'ignorons pas, et inventons vainement d'illusoires divertissements... Mais que faut-il faire, quand on sait la vérité ?

* Désormais, ma vie, quoiqu'il arrive, n'est plus dénuée de sens !... Elle possède une signification indiscutable: le Bien qu'il m'appartient d'y introduire !...



Retrouvez mes avis sur les autres romans de l'auteur en cliquant sur les photos !

https://letoucherdespages.blogspot.com/2019/02/guerre-et-paix-tome-1.html

https://letoucherdespages.blogspot.com/2019/04/guerre-et-paix-tome-2.html


 
Suzy Bess.
  

Commentaires

  1. Bon, du coup je vais peut-être attendre un peu avant de découvrir ce roman. Il faut être motivé pour plus de 900 pages en sachant qu'on risque d'être un poil déçu^^.

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  2. C'est un de mes romans préféré. Je trouve entre autre qu'il s'agit d'merveilleux portrait de femme et, comme dans tous les romans de Tosltoï certains personnages secondaires (Pierre dans Guerre et Paix- Lévine dans Ana Karénine.) sont en fait d'une certaine façon des alter ego de l'auteur qui, je pense, s'identifie un peu à eux. Les scènes bucoliques (chasses, moissons) sont dans les deux romans de toute beauté.

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    1. Même si je n'ai pas eu ce ressenti, je comprends que ce roman soit le préféré de tant de lecteurs. En effet, les portraits de femmes sont superbes. J'ai effectivement lu que l'auteur mettait beaucoup de lui-même dans certains de ses personnages, c'est bien pour cela que Lévine et Pierre Bézoukhov se ressemblent tant, impossible de ne pas voir la ressemblance ! Merci pour ce retour Marie-Laure !

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