[Des Pages à Lire] "Histoires Extraordinaires", Edgar Poe


Histoires Extraordinaires
Auteur: Edgar Allan Poe
Édition: Calmann-Levy
Traduction et présentation de: Charles Baudelaire
Nombre de pages: 332

* Résumé *

Baudelaire avait raison: ces nouvelles sont extraordinaires.

Un homme atteint la lune en ballon, un autre transforme en or les vils métaux, les morts apparaissent pour entraîner les vivants au tombeau, les malédictions s'accomplissent.

Edgar Poe était fasciné par le rêve, le spiritisme, la métempsycose mais aussi les sciences. Il a créé un monde irréel d'autant plus envoûtant que le fantastique est peint avec logique et minutie. Cet écrivain américain ressentit toute sa vie la perversité qui existe en tout être. L'homme est sans cesse et à la fois homicide et suicide, assassin et bourreau.

« Edgar Poe a emprunté la voie royale du grand art. Il a découvert l'étrange dans le banal, le neuf dans le vieux, le pur dans l'impur. Voilà un être complet », disait Valéry.
 
* Mon avis *

Alors qu'elles m'ont d'abord parues inégales, j'ai finalement découvert avec intérêt les nouvelles composant ce recueil.

Au total, ce sont treize Histoires Extraordinaires qui nous sont présentées:
"Double assassinat dans la rue Morgue" et "La lettre volée" sont deux enquêtes réunissant le même duo de héros;
"Le scarabée d'or" a des accents de chasse au trésor;
"Le canard au ballon", écrit sous forme d'article journalistique, et "Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall", sous forme de lettre, nous décrivent des voyages en ballon peu ordinaires;
avec le "Manuscrit trouvé dans une bouteille" et "Une descente dans le Maelstrom", ce sont des aventures sur l'eau qui nous attendent;
"La vérité sur le cas de M. Valdemar" et "Révélation magnétique" mettent chacune en scène un mourant acceptant de se faire magnétiser;
"Les souvenirs de M. Auguste Bedloe" nous conte l'hallucinante aventure arrivée au personnage-titre;
"Morella" et "Ligeia" nous font frissonner en revenant d'entre les morts;
enfin, "Metzengerstein" nous parle d'une tapisserie plus vraie que nature et de son propriétaire tempétueux...

Ces Histoires ont vraiment quelque chose d'extraordinaire... Durant la lecture de certaines de ces nouvelles, il m'est arrivé de m'ennuyer - à tel point que les différents textes ne me semblaient pas d'une qualité similaire - et j'avais parfois hâte d'en finir. Or, ils se sont tous inscrits dans mes souvenirs d'une manière vivace; à l'instant où j'écris ces lignes, moins d'une semaine après avoir terminé ce recueil, j'ai envie de me replonger dedans, de le redécouvrir en connaissance de cause, mais pourtant d'un œil nouveau. Ces récits fantastiques ont un esprit gothique prenant; variés, souvent sombres, parfois naïfs ou techniques, ils sont emplis d'une atmosphère particulière qui m'a, finalement, vraiment captivée, et la profusion de détails apportés par l'auteur leur donne un côté très visuel. La plume de Poe a ce quelque chose d'inexplicable qui s'inscrit dans les pensées, mais dont on peut facilement se détacher si on le souhaite. Ah ! que j'aime ce genre de ressenti aussi spécial que la lecture qui en est l'origine ! C'est également un tout aussi bon souvenir que je garderai de la présentation de Charles Baudelaire: les mots qu'il a pour le talent d'Edgar Poe et pour l'homme qu'il fut sont magnifiques et émouvants.

Ce recueil de nouvelles est passionnant ! À lire le soir à la leur d'un chandelier...
 
* Parlons couverture *

L'ouvrage ici présenté est une (très) vieille édition dont le classicisme est, par conséquence, logique. Mais nombreuses sont les éditions arborant des couvertures à l'esprit recherché. Parmi elles, de nombreux scarabées font évidemment référence à l'une des nouvelles les plus intrigantes du recueil; d'autres sont plus curieuses... mais j'avoue avoir un faible pour les trois premières présentées ci-dessous:


Citations:

* Impitoyable dictature que celle de l'opinion dans les sociétés démocratiques; n'implorez d'elle ni charité, ni indulgence, ni élasticité quelconque dans l'application de ses lois aux cas multiples et complexes de la vie morale. (Charles Baudelaire)

* On dirait que de l'amour impie de la liberté est née une tyrannie nouvelle. (Charles Baudelaire)

* Observer attentivement, c'est se rappeler distinctement. ("Double assassinat dans la rue Morgue")

* Il me semblait être sur la limite de la compréhension sans pouvoir comprendre; comme les gens qui sont quelquefois sur le bord du souvenir, et qui cependant ne parviennent pas à se rappeler. ("Double assassinat dans la rue Morgue")

* - Pas absolument fou, - c'est vrai, - dit G......, - toutefois, c'est un poète, ce qui, je crois, n'en est pas fort éloigné. ("La lettre volée")

* Je suis plus frappé, au moment où j'écris, du silence suprême qui règne sur la mer, malgré son agitation, que d'aucun autre phénomène. Les eaux ne jettent pas de voix vers les cieux. L'immense océan flamboyant au-dessous de nous se tord et se tourmente sans pousser une plainte. Les houles montagneuses donnent l'idée d'innombrables démons, gigantesques et muets, qui se tordraient dans une impuissante agonie. Dans une nuit telle qu'est pour moi celle-ci, un homme vit, - il vit tout un siècle de vie ordinaire, - et je ne donnerais pas ce délice ravissant pour ce siècle d'existence vulgaire. ("Le canard au ballon")

* Avec un cœur plein de fantaisies délirantes
Dont je suis le capitaine,
Avec une lance de feu et un cheval d'air,
A travers l'immensité je voyage.
Chanson de Tom O'Bedlam ("Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall")

* Je résolus de partir, mais de vivre. ("Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall")

* Je réfléchis que l'homme est le plus parfait esclave de l'habitude, et que mille cas de la routine de son existence sont considérés comme essentiellement importants, qui ne sont tels que parce qu'il en a fait des nécessités de routine. ("Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall")

* Un sentiment pour lequel je ne trouve pas de mot a pris possession de mon âme, - une sensation qui n'admet pas d'analyse, qui n'a pas sa traduction dans les lexiques du passé, et pour laquelle je crains que l'avenir lui-même ne trouve pas de clefs. - Pour un esprit constitué comme le mien, cette dernière considération est un vrai supplice. Jamais je ne pourrai, - je sens que je ne pourrai jamais être édifié relativement à la nature de mes idées. Toutefois il n'est pas étonnant que ces idées soient indéfinissables, puisqu'elles sont puisées à des sources si entièrement neuves. Un nouveau sentiment - une nouvelle entité - est ajouté à mon âme. ("Manuscrit trouvé dans une bouteille")

* Nous sommes condamnés, sans doute, à côtoyer éternellement le bord de l'éternité, sans jamais faire notre plongeon définitif dans le gouffre. ("Manuscrit trouvé dans une bouteille")

* Être étonné, c'est un bonheur; - et rêver, n'est-ce pas un bonheur aussi ? ("Morella")

* Il y avait un voile de brume sur toute la terre, et un chaud embrasement sur les eaux, et à voir les splendeurs d'octobre dans le feuillage de la forêt, on eût dit qu'un bel arc-en-ciel s'était laissé choir du firmament. ("Morella")

Suzy Bess.  

Commentaires

  1. Je me souviens de quelques une de ces nouvelles, que j'ai lu il y a trés longtemps. Et au passage, j'admire ton travail de recherche de couvertures à chaque fois !

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    1. C'est gentil, merci !
      Ça ne m'étonne pas que tu te souviennes de certaines, elles sont fortes et restent dans l'esprit.

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